Monsieur Succès Masra, après avoir paraphé l’accord de soumission de Kinshasa, vous voilà propulsé à la tête d’un gouvernement d’accompagnement de la dictature. En acceptant sans vergogne la loi d’amnistie des auteurs de crimes de vos camarades massacrés le 20 octobre 2022, vous avez définitivement souillé la mémoire des 300 jeunes manifestants tombés pour la quête de la justice et de la liberté confisquées depuis plus de 30 ans par cette dynastie à la solde de la françafrique. Pourtant, vous aviez déclaré sur les plateaux de télévision : « on ne réforme pas une dynastie, on s’en sépare » et aussi: « Ceux qui utilisent la misère et les massacres de notre Peuple pour se faire une place auprès de ceux qui organisent ces indignités ne sont plus dignes d’être fils de ce Peuple. Ils sont dans vos familles et amis. Il est temps de les débrancher tous ». Quelle volte-face !
Dès la prise du pouvoir par la junte, vous attendiez votre part de butin car vous aviez honteusement réclamé la mise en place d’une « transition civilo-militaire », une forme de cohabitation avec la dynastie. Pour atteindre vos ambitions personnelles, vous aviez même menacé de recourir à la lutte armée et de vous diriger vers une « possible partition du Tchad ». La partition du Tchad est un très vieux récit politique, agité par un certain nombre de nos compatriotes de la partie méridionale du pays, qui entretient l’idéologie colonialiste selon laquelle il y aurait deux Tchad : un Tchad qui serait inutile (le Nord) et un Tchad utile (le Sud). Vous disiez, sur les antennes de RFI, que votre ambition était de réconcilier les deux Tchad. Or il n’y a qu’un seul et même Tchad et un seul et même peuple qui est sous la domination d’une dictature soutenue et entretenue par des puissances colonialistes qui sont d’ailleurs vos parrains. Nous en avons assez de votre storytelling !
Fort de votre titre de premier ministre obtenu à la demande de Macron, vous allez à présent vous atteler, avec le concours de « Ceux qui utilisent la misère et les massacres de notre Peuple », à organiser « l’éligibilité encadrée » du despote, en foulant au pied la charte des droits de l’Homme et des peuples de l’Union Africaine qui s’oppose à l’éligibilité des auteurs de coup d’Etat.
Voulant transformer le pays, comme votre prédécesseur Saleh Kebzabo, vous êtes maintenant devenu un simple accompagnateur de la dictature. La jeunesse tchadienne a bien saisi vos manigances politiques. Le gouvernement qui vient de vous être imposé est composé en grande majorité de ceux-là même qui ont ruiné le pays : des courtisans habituels de la dynastie. On ne peut envisager un Tchad nouveau, on ne peut relever les nombreux défis avec une équipe gouvernementale qui a aussi lamentablement échoué par le passé. Il vous reste de vous rendre devant les godillots de conseillers nationaux pour déclarer votre politique générale – qui sera certainement applaudie – et continuer à remplir votre panse à l’image de vos prédécesseurs. N’oubliez pas que le peuple qui est dans la détresse sociale totale scruttera vos faits et gestes et jugera avec discernement votre bilan.
Bonne et heureuse année 2024 aux compatriotes qui, en prenant appui sur l’éthique de conviction et de responsabilité, sont résolument engagés dans la lutte pour un Tchad véritablement libre et souverain. Que 2024 soit le début d’une ère de changement profond pour le peuple tchadien !
Adoum CHOUWIMI