Les autorités du Burkina Faso ont annoncé, mardi 18 juin au soir, la suspension pour six mois de la chaîne francophone TV5Monde, pour avoir diffusé selon elles des « propos tendancieux frisant la désinformation », à la suite d’une émission abordant la situation sécuritaire dans le pays. L’armée a démenti des « rumeurs » de « mutinerie » dans des casernes, une semaine après une attaque djihadiste meurtrière.
TV5Monde a également été condamnée à une amende de 50 millions de francs CFA (environ 76 000 euros). Cette suspension suit celle d’une longue liste de médias étrangers – principalement français, dont Le Monde –, suspendus de manière temporaire ou définitive depuis l’arrivée au pouvoir du capitaine Ibrahim Traoré, lors d’un coup d’Etat en octobre 2022.
Dans un communiqué posté sur Facebook mardi soir, le Conseil supérieur de la Communication (CSC) met en cause une édition du journal télévisé de lundi 17 juin qui avait « pour invité Newton Ahmed Barry », un journaliste et ancien président de la commission électorale du Burkina Faso, critique du régime militaire actuellement au pouvoir. Dans cette émission, M. Barry était interrogé sur la situation sécuritaire au Burkina Faso, une semaine après une attaque djihadiste meurtrière contre soldats et civils à Mansila, revendiquée par le Groupe de soutien de l’islam et des musulmans (GSIM, affilié à Al-Qaida).
Le CSC affirme avoir « relevé des insinuations malveillantes, des propos tendancieux frisant la désinformation et des affirmations de nature à minimiser les efforts consentis par les autorités de la transition, des forces de défense et de sécurité et des populations dans l’élan de reconquête du territoire national ».
Quelques dizaines d’instructeurs russes sont arrivés ces derniers jours depuis le Mali dans la capitale burkinabée, après l’attaque de Mansila, selon une source diplomatique africaine.
Une source indépendante a confirmé l’arrivée de ces instructeurs, terme généralement utilisé pour les anciens mercenaires du Groupe Wagner, aujourd’hui réorganisés au sein du nouvel avatar de l’influence russe en Afrique, Africa Corps.
Depuis le coup d’Etat d’octobre 2022, les autorités de Ouagadougou se sont rapprochées de Moscou.
Des rumeurs de mutineries démenties
Mardi soir, l’armée burkinabée a par ailleurs qualifié dans un communiqué d’« infondées et mensongères » les « rumeurs sur les réseaux sociaux » faisant état depuis plusieurs jours « de mouvements d’humeur et de mutineries dans certaines casernes militaires ».
« Le chef d’état-major général des armées rassure les vaillantes populations qu’il n’en est rien », peut-on également y lire.
Aucun bilan officiel n’a été donné pour l’attaque de Mansila, mais selon une source sécuritaire « beaucoup d’éléments sont portés disparus ».
Les détachements militaires déployés dans les diverses localités du Burkina Faso comportent généralement quelque 150 soldats.
Le régime militaire au pouvoir au Burkina Faso n’a pas communiqué au sujet de cette attaque.
Le lendemain de celle-ci, un obus était tombé dans la cour de la télévision publique située près de la présidence, à Ouagadougou. Un « incident de tir », selon la télévision d’Etat. Depuis l’attaque de Mansila, le capitaine Ibrahim Traoré est apparu à deux reprises : vendredi, dans un reportage de la télévision publique pour un don de sang, et dimanche, pour la prière de l’Aïd, sans prendre la parole.
TV5Monde avait déjà été suspendue de diffusion pour deux semaines le 28 avril, pour avoir diffusé un rapport de Human Rights Watch accusant l’armée d’« exactions » contre des civils. Son site Internet ainsi que six sites d’informations avaient été suspendus pour les mêmes raisons « jusqu’à nouvel ordre ».
Le Burkina Faso – comme ses voisins le Mali et le Niger – est frappé depuis près de dix ans par des attaques de groupes djihadistes qui ont causé la mort de plus de 20 000 personnes et le déplacement de 2 millions d’autres. Les autorités affirment régulièrement obtenir des victoires sur les djihadistes, mais les attaques se poursuivent et une partie du territoire reste hors de contrôle de l’armée.
Le Monde avec AFP