Le Conseil paix et sécurité (CPS) de l’Union africaine débute une réunion décisive sur le Tchad vendredi 11 novembre. Les 15 membres de cet organe chargé de la prévention, la gestion et le règlement des conflits va se pencher sur un rapport du président de la CPS, le Tchadien Moussa Faki, qui demande des sanctions contre le pouvoir de transition dirigé par le président Mahamat Idriss Deby Itno. Le texte a fuité sur les réseaux sociaux, ce qui a provoqué la colère des autorités tchadiennes.
Tout au long des huit pages de ce rapport, le bilan dressé par Moussa Faki est sans concession pour le pouvoir du général Mahamat Idriss Deby Itno. Celui-ci a été authentifié à RFI par des sources à l’Union africaine (UA).
Refus de respecter une durée maximale de 18 mois pour la transition comme promis, ou de respecter l’interdiction faite aux militaires au pouvoir d’être candidats aux prochaines élections… Pour le président de la Commission de l’UA, les choses sont claires et nettes : « Les exigences et autres décisions du CPS ont été totalement ignorées et n’ont pas été respectés par les autorités de la transition ».
Et sur la répression sanglante des manifestations du 20 octobre dernier, ce rapport semble avoir épousé la version de l’opposition. Il appelle le CPS à condamner « les meurtres, la torture, l’arrestation et les emprisonnements arbitraires des centaines de civils » sans faire allusion à la version du gouvernement de transition qui a parlé d’ « insurrection populaire ».
Dans ces conditions, estime Moussa Faki, le Conseil paix et sécurité n’a pas d’autre choix que de prendre des sanctions contre le pouvoir de transition au Tchad : il s’agit de « sauvegarder un minimum de crédibilité » de l’organisation, mais aussi d’être « cohérents » avec ce qui a été fait pour les quatre autres pays africains où il y a eu des changements anticonstitutionnels de gouvernement.
« Un pamphlet contre le gouvernement »
Du côté de Ndjamena, on ne décolère pas : une source ministérielle a dénoncé jeudi 10 novembre « un pamphlet contre le gouvernement » de la part de Moussa Faki, qui instrumentalise, selon lui, l’organisation à cause de ses ambitions politiques au Tchad. Ils l’accusent depuis des mois de préparer sa candidature pour la prochaine présidentielle, ce qu’il a toujours nié. Selon le pouvoir, c’est à la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), qui lui est plus favorable, de garder la main sur le dossier tchadien, en vertu du « principe de subsidiarité ».
Le rapport de Moussa Faki demande pourtant au CPS de nommer un envoyé spécial de l’Union africaine alors que le président congolais Félix Tshisekedi a déjà été nommé facilitateur au Tchad par l’organisation sous régionale de la CEEAC.
« Un débat très houleux »
Difficile de dire comment pourrait se conclure cette réunion car les décisions du Conseil paix et sécurité sont prises par consensus. Depuis plusieurs jours, le président de la Commission ainsi que le chef de la diplomatie tchadienne tentent discrètement de se gagner les faveurs des 15 membres du CPS. Tout le monde s’attend donc à « un débat très houleux » ce vendredi, selon une source à Addis-Abeba.