Me Saïd Larifou:« Le régime d’Azali Assoumani est une calamité politique »

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Ancien candidat à la Présidentielle aux Comores, président du Ridja-Pactef, président de l’ONG Waraba Afrique, qui promeut l’alternance politique par les urnes, avocat au barreau de Moroni, Me Larifou analyse la situation socio-politique et économique des Comores. Détonnant !

Les Comores vivent des tensions sociales graves depuis l’annonce des résultats provisoires des élections présidentielles le 14 janvier dernier. Pourquoi cette situation ?

Nous avions prévenu nos partenaires institutionnels internationaux, bilatéraux et les organisations internationales, dont  l’ONU, la SADEC et l’Union Africaine, de la volonté du Président de l’Union Africaine de perpétrer un énième coup d’Etat électoral, et de la situation électorale chaotique qui trouve sa source dans le refus du Président Azali Assoumani, candidat à sa propre succession, de se soumettre à la constitution de l’Union des Comores et à la loi électorale. Des actes illégaux et anticonstitutionnels qu’il a posés, dans le cadre du processus électoral en cours, et soumis à l’appréciation des Nations Unies, l’Union Africaine et la Sadec pour des initiatives diplomatiques préventives n’ont suscité aucun intérêt. Le refus par Azali Assoumani de prendre congé de ses fonctions après publication de la liste définitive des candidats, sa nomination de son fils comme commandant de la gendarmerie, sa révocation, à quelques jours de l’ouverture de la campagne électorale, de la présidente de la Chambre Constitutionnelle et Electorale de la Cour Suprême, ainsi que son remplacement par un autre magistrat désigné par le Président candidat, ont sérieusement contribué à cette crise postélectorale. M. Azali Assoumani a mis sous coupe réglée tous les services de l’État et les organes électoraux à son seul profit. Dans ce contexte de désordre institutionnel, d’anarchie, il est hypothétique de croire, penser et attendre que les institutions tranchent en faveur du droit et du respect du choix du peuple comorien. Il est ainsi établi par les résultats des urnes que le Président Candidat Azali Assoumani a été battu, que les candidats de l’opposition ont remporté ces élections et que nous tenons à la disposition de la presse internationale les preuves de son échec et de ses manœuvres frauduleuses pour compromettre le processus électoral en cours.

«Nous sommes en mesure de démontrer et prouver par des documents irréfutables et des témoignages accablants des malversations commises »

Vous avez, comme ancien candidat à la présidentielle aux Comores, publié une déclaration qui indexe des irrégularités et fraudes massives qui, seules, pourraient permettre au président sortant et candidat, d’être réélu. Avez-vous des preuves ?

Nous sommes en mesure de démontrer et prouver par des documents irréfutables et des témoignages accablants des malversations commises par M. Azali Assoumani et son clan. Par exemple,  pourquoi dans des centaines de  bureaux de vote, dans les îles d’Anjouan et de Mohéli, les assesseurs des candidats de l’opposition n’ont pas été autorisés à assister, comme il se doit, au comptage des suffrages exprimés ? Pourquoi des bureaux de vote à Anjouan ont été fermés à 13h par les forces de l’ordre parties avec des urnes ? Pourquoi les forces de l’ordre, gendarmerie et police, ont fermé des bureaux de vote avec peu de suffrages exprimés et puis avec la liste des électeurs inscrits et non votants pour ensuite bourrer les urnes après coup ? On a même vu une militante du parti au pouvoir sortir son sac avec une liasse de bulletins et enveloppes introduites dans l’urne sans la moindre  difficulté  et avec l’assentiment des membres du bureau de vote en question. L’ensemble des preuves matérielles de ces faits  constituent et feront l’objet de procédures qui seront engagées pour faire valoir le bon droit de nos concitoyens qui ont choisi majoritairement un autre candidat que Azali Assoumani.

Le président Azali Assoumani, aussitôt déclaré par la CENI, vainqueur des élections présidentielles du 14 janvier 2024, a appelé l’opposition à être fair-play, à se plier au droit et à la vérité des résultats sortis des urnes. Qu’avez-vous à lui répondre ?

Comme pour ses précédents coups d’État institutionnels, le Président Azali Assoumani tente de nous mettre devant le fait accompli en se faisant déclarer vainqueur de ces élections immédiatement pour couper l’herbe sous le pied à toute éventuelle contestation, permettant ainsi aux forces de l’ordre de se positionner dans la capitale pour parer à toutes manifestations populaires. Nous redoutions les conséquences immédiates de ce coup d’Etat. Aujourd’hui, des manifestations de colère de la population se sont déroulées sur l’ensemble du territoire. Je m’associe à l’expression de révolte légitime de la population qui exige le respect de son choix démocratique pour la fin de la dictature et le changement. Azali Assoumani croit pouvoir, par la ruse, la force et la terreur, se maintenir au pouvoir contre la volonté du peuple comorien. Mon combat pour les valeurs humanistes, sociales et démocratiques se poursuit.  

« En réalité, la présidence d’Azali Assoumani n’apporte rien aux Comores et aux Comoriens. »

Comment la situation de crise sociopolitique va-t-elle évoluer?

La crise sociale et politique  n’est pas nouvelle et trouve sa source dans le coup d’Etat institutionnel permanent du colonel Azali Assoumani qui a remis en cause tous les acquis issus des accords de Fomboni qui, faut-il le rappeler, ont ramené la paix et la réconciliation aux Comores. Il n’échappe à aucun observateur sérieux que tous les signaux pour une explosion violente de la colère pourraient se manifester en réaction au mépris, à l’arrogance et à l’enrichissement illicite et rapide du colonel Azali Assoumani, son fils et conseiller privé, ses proches collaborateurs. L’économie est en berne, le déficit budgétaire est abyssal, tous les chiffres, même ceux communiqués aux institutions financières internationales, sont pipés. L’emploi est le parent pauvre de l’Union des Comores, d’où l’exil massif des plus jeunes, qui bravent tous les obstacles pour quitter notre pays et se réfugier à Mayotte ou sur le continent. Les conditions sanitaires sont déplorables, tout comme le pouvoir d’achat et les malades meurent, faute de soins médicaux. En réalité, la présidence de Azali Assoumani n’apporte rien aux Comores et aux Comoriens. Il est indifférent aux drames et souffrances des Comoriens, ne manifestant aucune compassion ni disponibilité envers nos compatriotes qui périssent en permanence en mer, en tentant de fuir l’arbitraire, en voulant se rendre en Europe ou à l’île de Mayotte. Il est à noter aussi que le chantage exercé par Azali sur la France, au sujet de Mayotte, est inadmissible. Il pense être le rempart à une immigration incontrôlée vers Mayotte, alors que sa politique dictatoriale et la pauvreté qui en résulte sont les raisons de la migration de la jeunesse comorienne, dont l’avenir est plus qu’incertain et nous pouvons redouter une explosion sociale et politique à très court terme pouvant conduire à l’implosion de l’Union des Comores. La communauté internationale, représentée par ses Institutions, met en garde, comme à son habitude, a postériori et non a priori, comme nous l’avions suggéré, via nos alertes incessantes et circonstanciées. Il n’est jamais trop tard pour bien faire. Le retour de la Paix sociale, d’un environnement de tolérance et de liberté aux Comores est possible, si Azali Assoumani accepte son échec et part dignement avant qu’il ne soit trop tard. Il peut à tout moment choisir l’exil qui sera peut-être le seul acte politique positif de sa vie de Comorien. Nous devons absolument nous débarrasser de Azali Assoumani qui, finalement, a démoli profondément la société comorienne devenue méconnaissable. Son pouvoir est une calamité politique, un passé traumatique pour des milliers de comoriens. 

Le Haut-Commissaire des Nations unies aux Droits de l’Homme, dans un communiqué publié le 17 janvier 2024, appelle au respect du droit de manifester pacifiquement et d’expression libre des opinions. Que faudrait-il aux Comores pour retrouver la paix, la sérénité et la stabilité, nécessaires pour le développement et la démocratie ?

Cette communication du Haut-Commissariat des Nations-Unies aux Droits de l’Homme fait suite aux interpellations et signalements effectués sur les graves atteintes aux droits humains et politiques aux Comores. Je rappelle qu’en dépit du rapport de l’expert des Nations-Unies sur la torture aux Comores, le régime répressif de M. Azali Assoumani persiste à persécuter ses opposants, des journalistes et des femmes victimes de violences policières et d’emprisonnement abusif suite à une manifestation pacifique. Le Haut-Commissaire ferait œuvre de justice en saisissant le conseil de sécurité des Nations-Unies sur les cas des crimes internationaux commis par Azali Assoumani. Seul le départ du colonel Azali pourrait ramener la paix et la stabilité pour la démocratie et le développement des Comores.

Réalisé par Jean-Célestin Edjangué(Paru dans le Magazine Afrique Demain(Février-Mars)

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